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  • 4 juillet 2016

    4 juillet 2016

    Parenthèse kundérienne [l'Insoutenable légèreté de l'être et l'Ignorance]


    Il arrive que des apartés s'imposent sur ce blog, tel cet article sur Bob Dylan et ses séries de rêves, ou bien celui sur Jorge Luis Borges et son monde imaginaire, ou encore celui sur Saint-Exupéry et son Petit prince. Milan Kundera en fera partie, car comme dirait Tomas, l'un des protagonistes de son roman L'insoutenable légèreté de l'être, "Es muss sein" [il le faut].


    Milan Kundera est un écrivain singulier : il a repris lui-même les traductions de ses romans publiés en tchèque, trouvant que c'était trop métaphorique et a décidé par la suite, à partir de 1998 [La Lenteur] d'écrire en français. Né en 1929 en Tchécoslovaquie, il a choisi l'exil en 1975, pour s'établir en France, et a obtenu la nationalité française en 1981.






    Dans ses romans, l'écrivain mentionne souvent la mythologie grecque, et la décortique. 
    Ses romans oscillent entre récit et essai : ils abordent sous un aspect classique d'"une simple histoire" une réflexion profonde et philosophique sur la vie, tout en gardant l'intrigue de l'histoire en trame de fond...

    L'insoutenable légèreté de l'être relate l'histoire éternelle de couple, de la fidélité, de libertinage, de l'amitié érotique, etc... Et à travers l'histoire de deux couples que tout oppose, il nous plonge au cœur du Printemps de Prague, et nous rend ainsi témoin des choix de vie de chacun de ses quatre protagonistes, Tomas/Térésa et Sabina/Franz.
    Tomas, un libertin, de nature polygame et Sabina "sans attaches" choisissent l’amitié érotique tandis que Térésa jalouse, amoureuse représente la pesanteur. Le récit semble ne servir que de prétexte pour aborder une réflexion philosophique sur la vie, pour osciller entre fiction et réalité, et pour aborder d'autres thèmes que le récit lui-même. Parmi  ces thèmes, il y a le kitsch, la beauté, etc..
    La description de New-York que Kundera fait dans ce roman est tout simplement "juste et évident" : La beauté de New-York nous paraît évidente, "une beauté involontaire" dirait Sabina . Le roman fait un va-et-vient incessant entre le présent et le passé. L'écrivain évoque son récit en faisant appel à Parménide [philosophe grec du 6 ème siècle avant Jésus-Christ] qui distingue l'univers en couple de contraire [p.11] "lumière-obscurité, l'épais-fin, le chaud-le froid, l'être-le non être" et qu'un des pôles est positif : [le clair, le chaud, le fin, l'être]. Kundera met en balance la pesanteur et la légèreté. Que choisir ? Ne subit-on pas la dualité ? Et ces deux pôles ne sont -ils pas insoutenables ?


    A la différence de Parménide, Beethoven semblait considérer la pesanteur comme quelque chose de positif. "la décision gravement pesée est associée à la voix du Destin" "Es muss sein"; la pesanteur, la nécessité et la valeur sont trois notions intimement et profondément liées : n'est grave que ce qui est nécessaire, n'a de valeur que ce qui pèse ... [Extrait de l'Insoutenable légèreté de l’être p.47]


    Le drame d'une vie peut toujours s'expliquer par la métaphore de la pesanteur. On dit qu'un fardeau nous est tombé sur les épaules... Mais au juste qu'était-il arrivé à Sabina? Rien, elle avait quitté un homme parce qu'elle voulait le quitter. L'avait-il poursuivie après cela ? Avait-il cherché à se venger ? Non, son drame n'était pas le drame de la pesanteur, mais de la légèreté. Ce qui s'était abattu sur elle, ce n'était pas un fardeau, mais l'insoutenable légèreté de l'être...[Extrait de l'insoutenable légèreté de l'être]


    Il y a des livres lus et relus tant cela fait résonance... L'ignorance de Kundera en fera partie. Dans l'Ignorance, Kundera désacralise le mythe du retour et fait appel, pour cette désacralisation, à Ulysse, le héros homérien de la mythologie grecque. Pour l'écrivain, Ulysse le plus grand aventurier de tous les temps est aussi le plus grand nostalgique. Même après sept ans de "dolce vita" chez la déesse Calypso, il n'arrivait toujours pas à oublier son Ithaque natal "A l'exploration passionnée de l'inconnu (l'aventure), il préféra l'apothéose du connu (le retour)". Pourtant, toujours d'après l'écrivain, rien n'est moins certain qu'il sera heureux à son retour : Ulysse devra tuer beaucoup de prétendants de Pénélope et cette dernière ne le reconnaîtra pas au départ et lui fera subir maintes et maintes épreuves pour être sûre de son identité [ou plutôt pour retarder le moment de redevenir sa femme...]


    Pendant vingt ans, il n'avait pensé qu'à son retour. Mais une fois rentré, il comprit, étonné, que sa vie, l'essence même de sa vie, son centre, son trésor, se trouvait hors d'Ithaque, dans les vingt ans de son errance. Et ce trésor, il l'avait perdu et n'aurait pu le retrouver qu'en racontant...[Extrait de L'Ignorance].


    J'imagine l'émotion de deux êtres qui se revoient après des années. Jadis, ils se sont fréquentés et pensent donc être lié par la même expérience, par les mêmes souvenirs. Les mêmes souvenirs ? C'est là que le malentendu commence : ils n'ont pas les mêmes souvenirs, tous deux gardent de leurs rencontres deux ou trois petites situations, mais chacun a les siennes, leurs souvenirs ne se ressemblent pas, ne se recoupent pas. L'un se souvient de l'autre plus que celui-ci ne se souvient de lui... [Extrait de L'ignorance p.119]


    Milan Kundera fait partie de ces écrivains, qui m'ont accompagnée et éclairée pendant de longues années... Ces écrivains, ces poètes qui vous devancent et mettent noir sur blanc vos pensées les plus profondes en les formulant avec des mots -si justes- qui ne peuvent que vous atteindre [parfois même vous effrayer à la première lecture]... Et après avoir lu quelques livres de Kundera dont les intrigues se passent généralement à Prague, en particulier l'Insoutenable légèreté de l'être qui s'y déroule pendant le fameux printemps de Prague, une seule envie s'était imposée : celle de visiter cette ville qui a vu aussi naître Rainer Maria Rilke.


    Si nous ne pouvons changer le monde, changeons du moins notre propre vie 
    et vivons-là librement. 
    Milan Kundera [la vie est ailleurs]








    Publié par Ranjiva

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